La traversée Nuku Hiva - Raroia
Notre partons de Nuku Hiva le dimanche 15 juillet après avoir célébré le 14 juillet national. Hélas, un léger souci avec le pilote nous contraint de revenir : nous n'avons pas envie de passer 3 à 4 jours à la barre. Heureusement la panne est repérée et rapidement réparée : les cosses d'alimentation un peu oxydée faisant disjoncter l'appareil dès que celui-ci contrôle le système hydraulique. Donc, nous partons lundi 16 juillet, après que Nico de Rapa Nui m'est confirmé grâce à mes lignes de main que ce départ serait le bon ! Faut dire, après 3 mois d'arrêt, il est classique de faire un ou deux faux départs...
La navigation, vent de travers avec une houle assez prononcée et des vagues importantes, n'est pas de tout repos. Le bateau tape ; le vent Est/Sud-Est nous obligeant à faire un petit près - 70° du vent (NbC : en fait le "portant" sur Blackpearl c'est du "près"; faut savoir décoder le "Laurent"; j'me suis fais avoir les premiers temps, mais maintenant je sais!). Gil (le journaliste de Thalassa qui nous filme) a un peu le mal de mer dès qu'il rentre à l'intérieur, les enfants un peu le premier jour surtout que l'on ne peut pas ouvrir les capots à cause des vagues. Nous essayons de rester sur la ligne directe pour arriver à Raroia mais le courant nous déporte vers l'ouest. Heureusement, le vent tourne un peu plus Est sur la fin et cela nous permet de rattraper vers l'Est la distance que nous avions perdu sur la route directe.
Arrivés devant la passe de Raroia à 7h, nous essayons d'entrer mais le courant de 8 noeuds dans la passe nous en empêche. Nous devons attendre. Mes calculs en fonction des marées de Hao et Rangiroa me donnent une marée montante (courant entrant dans la passe) pour 9h30. Nous ressayons vers 10h mais le courant en toujours sortant. Nous ferons en tout trois essais infructueux. Entre chaque essai, nous remontons le long de l'atoll, nous nous mettons à la cape, nous laissons le bateau dériver sous le vent de l'atoll. A la troisième fois, je fais exactement cela, puis après deux minutes, je dis à Cath que je vais me reposer une petit demi-heure (j'ai une nuit blanche dans les pattes). Au bout d'un quart d'heure, Cath me réveille car la bateau n'a pas dérivé sous le vent de l'atoll, mais est allé SUR l'atoll, le platier plus exactement. Moment de frayeur, le bateau est à 5m du platier, on voit des patates de corail partout autour de nous, gloups ! Démarrer le moteur, faire un coup de marche arrière pour se sortir de ce merdier... ouf, on ne touche rien, mais nous avons eu une belle peur. Au quatrième essai, ça passe tout juste, l'étal n'est pas loin. Une fois la passe embouquée vers 13h, le lagon nous offre sa tranquilité et nous allons mouiller devant le village. Régis, un Paumotu - un habitant de l'atoll, nous préconise un emplacement pour le mouillage. Nous pensons suivre ses indications et allons nous mouiller dans un endroit bien protégé. Nous apprendrons ensuite que c'est la première fois qu'un voilier se mouille là où nous sommes mouillés, faut dire qu'on se mouille dans 1m d'eau bien protégé derrière une patate de corail !
Raroia
A peine arrivés, Corinne et Jean-Marc nous accueillent et nous font visiter le village et nous font rencontrer l'ancien Tavana qui nous explique qu'en ce moment, un des problèmes des Tuamotu est le foncier. L'Etat français réclame des justificatifs de titre de propriété de chaque motu ou parcelle occupé, à défaut, l'Etat récupère les terres. En étant ici, on comprend aisément que les Paumotu n'ont pas ces types de papiers pour la plupart. L'Etat cherche à récupérer un maximum de terres qui n'ont pas spécialement de valeur, mais qui permettent de contrer la demande d'indépendance. Si l'Etat possède un fort pourcentage de terre, il sera alors logique que les Tuamotus restent françaises. Le lendemain, nous sommes conviés à un mariage religieux. La cérémonie, un peu particulière, est très instructive à suivre : le diacre précise ainsi aux mariés que le divorce civil est facile à obtenir mais que la reconnaissance religieuse du divorce peut prendre 20, 30 ou même 40 ans. Ca fait un peu prise en otage... Après la cérémonie religieuse, un repas est offert aux convives, un repas typiquement polynésien. Nous nous régalons de leur cuisine parfumée à la noix de coco. Et les enfants se régalent de leurs nouveaux amis.
3 jours sur un motu isolé
Corinne et Jean-Marc nous invitent à venir passer trois jours sur leur motu distant du village de trente minutes de bateau à moteur. Ravis, nous acceptons avec joie leur invitation. Arrivés à leur motu, nous sommes stupéfait de sa beauté. Tout y est joliment agencé, leur fare, faite de bois, est superbe : on avoue, on tombe sous le charme. Passée la permière impression, Jean-Marc m'emmène pêcher au patia sur le platier : le patia est une longue tige de bois terminée par un trident, le but étant d'harponner un poisson perroquet pour midi, enfin trois plutôt ! Après plusieurs tentatives, je reste infructueux mais heureusement Jean-Marc réussit à avoir trois beaux perroquets. Le repas de midi est assuré. Jean-Marc nous les cuisine de manière délicieuse, avec une panure à la coco. Un vrai régal ! Nous discutons beaucoup avec Corinne et Jean-Marc de la difficulté de leur vie. C'est étonnant comme les paumotu (et iliens en général) livrent facilement les problèmes de vie sur un atoll aussi éloigné. Ils ont conscience de vivre sur un coin de paradis, pour rien au monde ils ne retournerait vivre en métropole, mais néanmoins, il y aurait beaucoup de chose à améliorer. A commencer par la goélette qui ne vient plus, ou plus aussi souvent qu'avant. Et cela leur pose problème car tout le village est en ce moment à cours de carburant ou limite en produits quotidien.
Visite d'une ferme perlière
Jean-Marc et Corinne nous emmène visiter une ferme perlière. A Raroia, il y a trois grosses fermes perlière (entre 20 à 60 personnes employés), tenues par des chinois. La ferme que nous visitons est administrée par Gigi, une kanak. Le travail à la ferme perlière consiste à acheter des huitres perlières (ou à collecter les "nessains"), les inséminer (travail réalisé par des chinois le plus souvent), les mettre dans le lagon pendant 18 mois les nettoyer et les entretenir pendant ce temps et enfin reccueillir la perle. Une huitre peut être inséminée tous les neuf mois, et cela trois fois maximum. Donc parfois, une première insémination est faite, neuf mois après, une seconde puis quand on enlève neuf après la première insémination, on en met une autre qu'ils enlèvent dix-huit mois après. Le travail est globalement très manuel. Les salaires correspondent au SMIC, salaire d'ouvrier. A Raroia, beaucoup nous disent que les salaires versés dans les fermes sont faibles. Certe, vivre avec le smic n'est pas forcément facile ici, mais d'un autre côté, le travail est celui d'un ouvrier non spécialisé... Le fait est aussi que nombre de Paumotu ne veulent pas travailler pour un chinois, les chinois ont mauvaise presse ici. En tout cas, l'accueil de Gigi et des employés de la ferme a été très chaleureux, nous les remercions bien et nous avons pu voir leur métier de près.
Les fermes perlières familiales périclitent, le marché de la perle est en chute libre à cause de la forte production des dernières années et de la perte de qualité. Une des rares alternatives à la perle est le Coprah (collecte de la coco), travail difficile et peu rémunérateur. Le gros souci des Paumotu est d'avoir un travail, il n'y en a que très peu finalement ici. Certains ont la chance d'avoir un poste de fonctionnaire (très haut salaire puisque multiplié par deux par rapport à la métropole), pour les autres, il reste la perle, le coprah et parfois le volet touristique mais uniquement dans quelques atolls. Typiquement à Raroia, il n'y a pas d'accueil touristique.